Les clowns sont parmi nous ! Oui, mais quels clowns ?
L’essor des pratiques de clown est incontestable. Elles se diffusent dans la société et connaissent un réel succès. Il suffit de voir la multiplication des festivals, compagnies, stages, événements, reportages consacrés au clown. Notre revue s’en fait l’écho depuis cinq ans en donnant la parole à ceux qui essaiment le clown sur de multiples terrains identifiés par nos rubriques "création", intervention", "formation", "interculturel"...
Quel sens prend un tel foisonnement ? Il a de quoi nous réjouir mais aussi de quoi nous inquiéter ! Notre question initiale était "Pourquoi les clowns aujourd’hui ?". Chemin faisant, en construisant ce dossier, elle est devenue "Quels clowns pour aujourd’hui ?". Car trop de clowns tuerait-il le clown ? Et surtout de quel clown s’agit-il ?
Ce n’est pas l’apparence qui fait le clown. Celui qui est devenu support publicitaire pour attirer les enfants ou figure stéréotypée pour animer les fêtes est une image démultipliée sans fond. A l’opposé, notre revue cherche les fondements de ce que signifie "être clown" (comme se le demande M. Bouillon en couverture !).
Pour nous, le clown est un personnage vivant, ancré dans une tradition sans cesse renouvelée, celle des briseurs d’apparence et des transgresseurs... pour rire. Symbolisant le désir et la liberté, il ne saurait être instrumentalisé. C’est bien cette dimension symbolique qui attire ceux qui cherchent à l’incarner autant que ceux qui le rencontrent partout où il surgit, étrange, décalé et en contact direct, que ce soit sur scène ou dans la vie sociale comme en témoignent les auteurs réunis dans ce dossier.
Plusieurs d’entre eux soulèvent la question du nez rouge, ce petit masque si pratique pour identifier le clown. Sa banalisation fait problème ! Distribué aux athlètes des JO d’hiver de Turin , aux enfants rencontrés par les "clowns sans frontières", aux spectateurs de festivals burlesques ou bien arboré par de simples manifestants, de joyeux fêtards ou de généreux donateurs... ce nez de plastique a sans doute une fonction non négligeable en tant que signe de rattachement à un esprit carnavalesque et ludique. Mais le nez ne fait pas le clown ! Et son usage normalisé tend à dévitaliser ce personnage imprévisible et hors-normes.
C’est plutôt le regard qui fait le clown, regard rencontrant d’autres regards, regard porté sur lui-même et sur le monde, regard inquiétant et complice, regard prolongeant un corps poétique et une humanité extériorisée. Suivez ceux qui, dans ces pages, rendent compte de multiples façons d’être clown et du chemin qu’ils ont pris avec celui qui est entré dans leur vie (comme le dit Catherine Germain). Leur recherche pour donner vie à ce personnage et le confronter au monde actuel est une aventure profonde et une ouverture car les clowns, à leur façon, sont des passeurs vers d’autres mondes possibles.
Alors, quels clowns pour aujourd’hui ? Des clowns incarnant vraiment l’esprit clown, c’est à dire perturbateurs des choses établies et révélateurs des potentialités de vie.