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Témoignage sur le vif

parThierry Letellier

Yann Rollier, psychosociologue et directeur du CREAI de Bretagne a fait venir des Clownanalystes du Bataclown lors des Journées nationales des SESSAD en décembre 2004. Thierry Letellier, l’a rencontré pour recueillir son témoignage.

T.L. : Quelles images avais-tu des clowns auparavant et comment perçois-tu maintenant les clownanalystes ?
Y.R. : Il y a une référence culturelle, le clown, l’auguste. Zavatta c’est mon enfance. Quand le cirque arrivait, on ne l’aurait pas loupé pour un empire : on connaissait les trucs du numéro et on riait de la codification. Ce que vous proposez, c’est autre chose : un mélange du théâtre, Kafka, Dubillard et des spectacles de rue. Il y a du non-sens, de l’absurde, et ça fait du bien aux équipes éducatives car ils reconnaissent leur quotidien. Et puis il y a de la chaleur humaine qui se dégage des interventions : ça désamorce le côté officiel. En fait, il y a deux choses qui se rejoignent. La première c’est d’abord comme une certaine poésie (même si ça fait rire). Cela change l’ambiance et tout simplement, ça fait du bien dans une séance de travail de ce genre. C’est comme une respiration dans la conférence qui amène les gens à se dire : "Il ne faut pas trop se prendre au sérieux, allez, la vie n’est pas si dure"…
La seconde doit venir de ce que les interventions des clowns sont basées sur les rapports réels. Dans ces colloques, il y a des concepts, des outils, on agite des idées, "durement travaillées" qui font consensus, mais c’est complexe. Les clowns, eux, reprennent ce qui s’est dit souvent de façon très conceptuelle et ils le font revivre de façon concrète. Par exemple, pour montrer le lien, ils se sont attachés avec une corde… En plus ils y ont attaché une bouteille d’eau bénite en disant : "Ca c’est la foi, il faut en avoir et puis ça coûte pas cher"… Tous les gens dans la salle ont à peu près la foi… Sinon ils ne feraient pas ce qu’ils font.
T.L. : En quoi le regard des clowns peut influencer les gens qui vont repartir travailler ?
Y.R. : C’est le fait qu’il y a un autre regard : c’est un miroir, c’est puissant, c’est la culture du fond des âges. Les clowns font rire avec une petite accroche supplémentaire qui fait que personne ne rate l’instant de compréhension. Lorsque les enfants handicapés ou en difficulté compren-nent quelque chose, ils sont hilares, ils sont bien : c’est extraordinaire. Et nous, quelque part, on est toujours ces enfants là.