
Reconnaissons-le, le rire est tendance ! Tout en faisant l’objet de nombreuses recherches universitaires, il est devenu la tarte à la crème (!) des médias, télés et DVD qui servent du comique à la louche, du bon et de l’indigeste… La question de la fonction du rire est donc d’actualité. Et elle est incontournable quand on s’intéresse au personnage du clown qui, depuis le 16ème siècle, est rattaché au rire, même s’il provoque d’autres réactions contrastées.
Deux questions siamoises parcourent ce numéro de Culture Clown.
Pourquoi les clowns font-ils rire ? Cette première question nous place plutôt du côté des spectateurs et des émotions ressenties lors de la

rencontre avec ces personnages décalés. Encore une fois, au fil des pages, se dessine la nature même du clown, attachante et dérangeante à la fois. Et comme le rappelle Serge Martin en ouverture du dossier, quand nous le trouvons comique, le clown - en tant que personnage - ne cherche pas à provoquer le rire : ce n’est pas son but ! Il fait rire malgré lui.
Comment les clowns font-ils rire ? La seconde nous place plutôt du côté des acteurs qui donnent vie aux clowns. Comment assument-ils leur place de semeurs de rires que

ce soit en spectacle ou en intervention sociale ? Certes, leur rapport au public produit toute une palette d’émotions, mais le rire reste bien un élément manifeste de leur réussite en tant qu’acteurs. Leurs propos dans ce dossier montrent qu’ils y veillent particulièrement et qu’ils développent des compétences dans l’art de faire rire. Elles relèvent simultanément du jeu de la construction (le "moment juste" dit J-M. Combelles) et du jeu de l’authenticité ("être crédible" dit Howard Buten).
Mais si les acteurs-clowns récoltent les rires, c’est surtout en cultivant l’esprit clown en eux - qu’il ait la couleur du ratage, du burlesque, de l’humour, de l’absurde, de la

poésie, du “jeu dans le jeu” ou de la dénonciation… Car le clown est un inadapté qui fait aimer la difficulté de vivre. Et comme le dit Blondel1, "Le rire naît de la représentation inadaptée d’une inadaptation" ! Plusieurs articles en témoignent, l’esprit clown se trouve beaucoup dans une certaine façon d’être et, en particulier, dans un certain état corporel, entre déséquilibre et état de grâce, que la formation cherche à développer.
Avec les clowns, miroir vivant de nos malheurs, le monde peut nous sembler moins triste. Antidote de la gravité, ces drôles de personnages nous apprennent précisément à nous libérer de la pesanteur, de toutes les pesanteurs. Et si, de la sorte, ils préfèrent prendre le risque de l’envol plutôt que celui de la mort, ils seraient bien capables de nous faire mourir de rire