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Edito

L’atout clown !

Il faut bien le reconnaître, nous ne disposons pas de données sociologiques sur "les pratiques de clown", ni en France, ni dans le monde (mais que font les sociologues ?!). De façon empirique, nous savons que nombreux sont nos contemporains qui se sont lancés dans ce jeu masqué du personnage au nez rouge, et pas seulement à l’Ecole Lecoq (précurseur dans son école de formation d’acteurs) ! Les ateliers, stages, festivals, rencontres, programmations culturelles, initiatives sociales… qui affichent le nez rouge ont le vent en poupe. Et même la revue Culture Clown que vous tenez en mains est en rupture de stock pour la plupart de ses numéros... A l’instar des pratiques sportives, musicales ou théâtrales, la pratique du clown ressemble à une pyramide avec sa large base d’amateurs et sa pointe visible de professionnels1 lesquels jouent un rôle précieux dans la reconnaissance culturelle de l’ensemble.

Mais n’en déplaise à ceux qui ne reconnaissent que quelques artistes phares, le clown met en jeu des pratiquants de tous âges et de toutes conditions. De la même façon, la pratique du clown ne se réduit pas au seul créneau du spectacle, même si la création reste un moteur essentiel du développement de l’art du clown. D’autres modalités se sont affirmées avec pertinence, que ce soit dans l’intervention sociale2 ou dans la formation. Les rubriques de nos sommaires en sont une vivante illustration.
S’intéresser au statut social des pratiquants du jeu de clown - amateur / professionnel – est en fait une invitation à dépasser ce clivage formel. Resurgit alors la question de fond : qu’est-ce qu’être clown ? La formule "Je suis clown" n’échappe pas à l’ambiguïté : est-ce à dire que j’ai un statut social de clown (plus ou moins confirmé professionnellement) ou bien que je travaille sur mon être clown ? En avoir ou en être ? Reportez-vous au délicieux questionnement d’une psychanalyste qui ouvre ce dossier et aux riches échanges des différents "formateurs" qui suivent.

Les "acteurs" présents dans ce numéro, témoignent avant tout d’un parcours personnel qui les a amenés à rencontrer le travail du clown et, pour la plupart, à s’affirmer comme clown. Vous découvrirez leurs cheminements singuliers car il n’existe pas de cursus type ni de pratique certifiée. Ils apportent aussi leurs points de vue sur ce qui fait la différence entre amateur et professionnel. En même temps, ils éclairent les enjeux des pratiques de clown, ce qu’elles exigent de l’acteur et le sens qu’elles prennent dans le contexte de crise actuel. On y entend une forte aspiration au plaisir du jeu et au travail de création, à la rencontre et à la révolte.
En évitant les pièges de "l’élitisme" ou de "la massification", notre pari est bien de promouvoir "l’atout clown" qui introduit du jeu dans le rapport à soi, au public, au social et à l’imaginaire collectif. Cultivons la valeur de cette carte, qu’elle sorte par son côté amateur ou par son côté professionnel, et jouons son registre imprévisible, joyeux et profond sur les multiples terrains de la création, de l’intervention sociale et de la formation.