La question de la relation du clown au public est une question transversale, que ce soit en stage de formation, en spectacle vivant ou en intervention sociale. Le clown contemporain a visiblement du succès sur ces trois terrains où des "publics" fort divers le rencontrent. Sous le terme générique de public , sont évoqués, au fil des articles, des stagiaires témoins concernés par le travail d’improvisation de leurs pairs, des spectateurs venus au théâtre pour découvrir la création d’un artiste, des participants à un congrès ou une réunion professionnelle, des enfants hospitalisés avec parfois leurs parents et leurs soignants, des résidents en maison de retraite… Diversité des publics, des situations sociales et des aventures artistiques de clowns, dont notre revue rend compte depuis sa création.
Comme tout acteur, l’acteur-clown se donne à voir aux spectateurs qui le regardent. Laura Sheleen* dit que, sur la scène, l’acteur offre son corps à la dévoration du public. Ceci étant posé, qu’y a-t-il de spécifique au clown dans sa relation au public ?
La simple lecture du Sommaire en indique le chemin avec, comme petits cailloux, les différents verbes présents dans les titres des articles : garder, être fait, agir et être agi, gagner, capter, se connecter, ouvrir, recevoir, ressentir, tisser, cueillir et se laisser cueillir. Autant récepteur qu’émetteur, le clown se révèle dans sa façon d’articuler activité et réceptivité . Il regarde ceux qui le regardent, il rencontre ceux qui le rencontrent, et il leur donne une place dans son monde. Cette place dépend beaucoup de la part d’improvisation qui reste l’essence même de l’être clown.
En formation et en intervention sociale, l’improvisation est reine et le public en est l’inspirateur direct. Plus encore, en intervenant dans un milieu social, le jeu du clown s’ouvre à l’aventure étrange de "l’effet miroir" et à l’incertitude touchante de l’interaction.
En spectacle, la question se pose différemment. Le spectacle étant écrit et en général fixé, la place donnée au public est d’une autre nature. Chaque acteur-clown doit trouver sa façon de s’ouvrir à lui et de l’intégrer, dans la recherche d’une vraie-fausse dramaturgie et d’une rupture avec la convention théâtrale.
En couverture, nous avons repris la métaphore du clown rebondissant sur le jet d’eau du public, proposée par Jacques Lecoq. Sur la couverture du Bouillon, en encart, nous inversons l’image, car il est bien question de réciprocité dans l’échange d’énergie, de signes et d’émotions entre le clown et le public.
Une exigence de vérité du jeu parcourt ce dossier : de Cédric Paga ( Ludor Citrik ) provoquant le public pour avoir un câlin à Olivier-Hugues Terreault ( Docteur L’Air de rien ) face à une jeune fille qui va mourir, chaque auteur s’y confronte au plus près de son expérience artistique.
Nous l’avons souvent écrit dans Culture clown , le public se reconnaît dans l’humanité de ce personnage qui le fait rire, l’émeut et le fait rêver mais aussi qui peut le déranger quand il fait peur et incarne nos ombres. Le clown suscite l’adhésion du public, (l’adhérence dit Hélène Gustin), mais aussi la prise de distance, tant il incarne l’image ambivalente de nos espoirs et de nos angoisses.
* Théâtre pour devenir autre , Epi, 1983.
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